Les défis actuels demandent aux entreprises de mettre en place des axes de réflexion stratégiques pour assurer leur avenir économique, tout en répondant aux enjeux sociétaux et environnementaux. De fortes contraintes économiques pèsent déjà aujourd’hui sur les entreprises, notamment sur celles qui sont de par leur métier de fortes consommatrices de matières premières, d’énergie ou de moyens humains, au premier plan desquelles les industries.
« Les acteurs de la filière éditique et des métiers des arts graphiques s’interrogent eux aussi tout naturellement sur l’impact des diverses hausse annoncées (énergie, pâte à papier, évolution du prix du timbre) sur leurs clients finaux », souligne Benoît Charon, président de Xplor, association des acteurs de la communication client digitale et papier. En effet, si un fournisseur a besoin de l’appui de ses donneurs d’ordres pour assurer sa croissance, le constat est réciproque. « Nous avons besoin que nos fournisseurs restent en bonne santé économique et financière et nous n’avons aucun intérêt à ce qu’ils disparaissent », souligne Christophe Aliôme, président du MQC, association qui regroupe les plus grands émetteurs de courrier en France (plus d’1 milliard de plis chaque année).
Quelle réponse face à la hausse prévisionnelle des coûts postaux ?
Face aux hausses continues des coûts postaux annoncées par La Poste, jusqu’à 96 % pour la gamme industrielle « G2 », au 1er janvier prochain, les directions achats et éditiques doivent apporter des réponses concrètes à leur direction générale en matière notamment d’envoi de courrier industriel. « Des actions d’optimisation des coûts d’affranchissement peuvent ainsi être déployées en migrant rapidement le courrier urgent vers un service d’acheminement à J+3 ou J+4 », indique Loïc Lefebvre, président de DocOne – filiale du Groupe Diffusion Plus.
D’autre part, il existe aujourd’hui une véritable alternative proposée par la société Adrexo qui a déployé en avril 2022 un projet pilote dans le nord de la France, qui sera généralisé à tous les départements français d’ici la fin de l’année, en proposant une double collecte hebdomadaire du courrier industriel aux entreprises. Une réponse attendue par les entreprises qui y voient une véritable alternative pour l’envoi de certains de leurs plis. Pour Nathalie Disses, responsable CSP Pilotage éditique chez BNP Paribas, « la double collecte représente désormais une opportunité avec une prestation équivalent à J+4. Adrexo propose une offre entendable par la direction générale qui ne souhaite plus subir les coûts liés à la hausse du prix du timbre ».
Un avis partagé par Engie qui a également opté pour cette solution alternative ou encore par la BPCE qui envisage également de faire passer une partie de ses envois de courriers avec la solution double collecte de Adrexo. Le « hub courrier » de BNP Paribas a choisi par ailleurs d’intégrer la solution de normalisation d’adresses postales Normad1 à son système d’information pour bloquer les adresses qui seront « PND » (Plis non distribués). « Le logiciel de normalisation permet de traiter l’adresse en amont de l’envoi et d’éviter ainsi les coûts liés aux envois inutiles », précise Nathalie Disses de BNP Paribas.
L’impact de la hausse des prix des matières premières dans la relation fournisseur
Le Mail Quality Club (MQC) a mis en place un programme de compréhension des problématiques fournisseurs pour améliorer les relations donneurs d’ordres / fournisseurs. « Plusieurs paramètres peuvent expliquer la hausse du coût du papier. Par exemple, la multiplication des envois de colis en carton provoque par rebond une hausse du prix du papier graphique. La hausse du prix de l’énergie impacte les coûts de production éditique. Des hausses de coûts qui se retrouvent dans le prix de la prestation et qui impacte les donneurs d’ordre. Comprendre toute la mécanique permet d’améliorer les relations entre les donneurs d’ordre et les fournisseurs », explique Christophe Aliôme du MQC.
Digitaliser les parcours clients en mode hybride
Une démarche partagée par Engie qui cherche également à comprendre les modèles économiques de ses fournisseurs, mais y voit aussi une opportunité d’opérer une transition plus globale. « La hausse des coûts de fonctionnement nous amène à nous transformer en digitalisant nos parcours clients pour ne plus subir les augmentations », réagit Lionel Jeambrun, responsable CeO éditique de Engie. « Il y a en effet une nécessité à adopter un mode hybride pour fluidifier les échanges avec les clients finaux. Le phygital consiste alors à investir dans les flux physiques, tout en s’adaptant à des canaux de relation client digitaux toujours plus nombreux », lance Jean-Luc Vecchio, CEO de Tessi Consulting & Intégration.
C’est ainsi que Engie envoie par exemple par mail une vidéo explicative de ses factures ou a basculé son pack d’accueil en ligne, pour mobiliser son service de relation client sur d’autres demandes. BPCE a opté elle aussi pour un format hybride de sa relation client. « Si la souscription à un crédit immobilier est dématérialisée, rester dans un format hybride permet de répondre à des contraintes légales ou à des oppositions au format signature électronique par certains clients », indique René Leupe, responsable filière éditique chez Groupe BPCE.
Pôle emploi adopte également ce format hybride pour répondre aux attentes des demandeurs d’emplois. « Le taux d’adoption à la dématérialisation permettant de s’inscrire soi-même sur Internet et de consentir au zéro papier est arrivé à un plateau. 77 % des demandeurs d’emploi y ont adhéré mais ce chiffre stagne désormais. Pour ceux qui ne souhaitent pas adhérer à la dématérialisation, l’envoi papier subsiste et subsistera », précise Bruno D’Onofrio de Pôle emploi.
Ces quelques exemples nous confortent dans l’idée que le mode hybride est nécessaire car comme l’indique Pascal Lenoir du MQC, « la digitalisation est arrivée à un plafond de verre nous incitant à nous orienter vers de l’omnicanal, car ni le tout papier ni le tout digital ne seront possibles ». « Nous avons donc cherché à améliorer le niveau de traçabilité avec l’aide de notre fournisseur Quadient pour faciliter le pilotage cross-canal », ajoute Nathalie Disses de BNP Paribas.
La digitalisation engendre une problématique d’archivage
« Dématérialiser le parcours client induit une conservation des documents numériques dans la durée avec des notions d’archivage à valeur probatoire, pour les documents les plus sensibles, tant d’un point de vue réglementaire que d’un point de vue expérience client », précise Jean-Luc Vecchio de Tessi Consulting & Intégration. Se faire accompagner dans cette démarche a été adopté par de nombreux acteurs. Pour René Leupe de la BPCE, « définir une politique d’archivage est une prouesse, et avec une règlementation qui évolue tout le temps, nous avons préféré laisser le sujet à des experts. Nous avons par ailleurs abandonné l’idée de numériser tout le stock en copie fidèle, car certains documents ne le justifiaient pas ». Mais encore fallait-il savoir les identifier, raison pour laquelle BPCE a choisi d’externaliser cette partie.
« La numérisation de vieux stocks physiques est en effet très coûteuse », précise Christophe Aliôme de MQC. D’où l’idée, pour réduire les coûts, de se concentrer sur une numérisation native et de confier le stock physique résiduel à des prestataires externes. Un choix également opéré par Engie qui s’est appuyé sur des fournisseurs pour l’accompagner, mieux organisés pour assumer l’obligation de détruire physiquement les dossiers des anciens clients (purges, dont RGPD).
Quand donneurs d’ordre et fournisseurs s’allient dans une démarche RSE
« Prendre une photo de l’existant pour pouvoir travailler sur l’avenir, telle est l’une de nos missions », intervient Pascal Lenoir du MQC. Comment est composée la chaîne éditique ? Comment sont fabriqués les enveloppes ou le papier ? Quelles sont les problématiques du routage ou encore du transport ? Pour répondre à ces questions, les acteurs de la filière éditique et les donneurs d’ordre ont mis en place des questionnaires qui permettent de visualiser l’empreinte carbone de la filière et de la décrire au niveau de chaque maillon de la chaîne. « Avec des cabinets, nous avons mis en place des questionnaires auprès de la chaîne de fabrication éditique en créant un partenariat fournisseurs / fabricants pour mettre en place une démarche RSE », détaille Christophe Chapelle, responsable pilotage, éditique & exploitation applicative chez Matmut.
BNP Paribas a quant à elle fait passer des questionnaires « pilote » pour analyser le bilan carbone, la gestion forestière, l’impact sur le vivant, la gestion des déchets, de l’eau, etc. Le Groupe Tessi a travaillé quant à lui sur la « Fresque du climat », un concept de MOC qui permet de découvrir de nouvelles informations, d’identifier des leviers, de prioriser des actions. « Mieux comprendre la filière éditique nous a permis de nous poser des questions et d’ajuster nos besoins en enveloppes devant la difficulté d’approvisionnement et d’utiliser, notamment depuis juillet dernier, des enveloppes recyclées tout en conservant un bon taux de blancheur », souligne Bruno D’Onofrio de Pôle Emploi.
« Nous avons été en contact pour notre part avec Bercy et avons réfléchit à une adaptation horaire de nos équipes pour libérer des pics d’énergie. Cela nous permettrait de limiter l’impact de la crise et de tendre vers une sobriété énergétique », indique Loïc Lefebvre de DocOne – filiale du Groupe Diffusion Plus. « Tout le monde est en train de comprendre qu’il va falloir s’adapter. Nous réfléchissons à fermer des bureaux, nous menons des réflexions sur des scénarios de crise pour pouvoir gérer des coupures électriques », surenchérit Christophe Aliôme de MQC.
La RSE Digital, une voie à explorer très sérieusement
Si les attentions se portent sur le RSE Physique, l’impact du digital sur la gestion des ressources ne doit pas être ignoré. La Matmut a ainsi engagé un audit énergétique de ses Data Center depuis juillet dernier. « Nous pouvons désormais faire un parallèle entre le digital et le physique, et le digital ne serait pas toujours si vertueux », constate Christophe Chapelle de la Matmut. Engie cherche aussi de son côté à maîtriser le modèle digital, avec moins de papier et de rejet de CO2. « Reste que la hausse de l’énergie consommée par le digital nous questionne sur le dosage à apporter entre l’archivage papier et l’archivage numérique », constante Lionel Jeambrun de chez Engie.
Article paru dans l'édition digitale mensuelle de GPO Magazine du 15 Septembre 2022.
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